« Aimer, c’est ce que l’on dit le plus mais que l’on fait le moins » – Olivier Lafay
Parce que nous cherchons tous à faire entendre le (bruit du) rugissement de notre manque d’amour,
des blessures de notre cœur…
C’est hélas le seul moyen que l’on aura trouvé pour communiquer sa souffrance, son mal-être et sa
détresse non conscientisée, celle que l’on se refuse à vivre et accepter.
A côté, la joie de l’amour que l’on (se) donne retentit à peine plus fort que le cri d’un (oisillon), à
peine perceptible, à peine remarquable.
Il arrive même qu’à un âge parfois mûr, nous demeurions encore fragiles comme l’oisillon,
dépendants, trop « innocents » pour pouvoir espérer nous déployer de nos propres ailes dans la vie
de manière autonome et responsable.
Nous voyageons ainsi à travers le temps et les années, le cœur serré, prisonnier d’un amour que l’on
hésite tant à offrir et faute d’avoir expérimenté agréablement la chaleur maternelle, les caresses qui
nous donnent confiance en nous-mêmes et en la vie.
« Traverser la vie le cœur fermé, c’est comme faire un voyage en mer au fond de la cale » écrit
Alexander Lowen
Nos besoins affectifs primaires n’ayant pas obtenu leurs totales satisfactions, amputant par là même
la notion de plaisir auxquels ils sont rattachés dans notre organisme, notre capacité à faire don de soi
est alors en déficit par rapport à notre demande d’amour toujours très grande.
Sur le plan inconscient, nous nous « bridons », pour ne réussir qu’à donner finalement à hauteur de
ce que l’on a « reçu ».
Sans recul sur soi, nous restons figés dans une position victimaire, dès que notre entourage sollicite
davantage notre soutien ou attention.
Telle est la conséquence d’une conception millénaire de l’amour conditionnel.
Plus tard, il n’est donc pas étonnant d’envisager l’amour autour de soi comme un « échange de bons
procédés », vouloir faire avancer l’autre à tout prix vers soi.
Ce peut être également un moyen « logique » pour un parent de s’adresser à son enfant, de lui
demander de se soumettre à sa volonté sous prétexte de faire peser un sentiment de rejet ou
d’abandon sur lui, s’il n’obéit pas.
« Les parents se servent du retrait de l’amour, ou de sa menace, comme moyen de pression » –
Alexander Lowen.
Et c’est tout naturellement que ce schéma se reproduit par la suite en société, au travail, en couple ;
un homme exigera d’une femme qu’elle vienne à tout prix vers lui (et réciproquement). Ou bien
qu’une personne se montrera en général autoritaire envers une autre, mettant le mouchoir sur les
émotions qu’elle peut ressentir.
On finit par devenir de simples marchands de tapis négociant dans les moindres détails ce que l’on va
bien pouvoir « récolter » d’une relation perçue comme inconsciemment « intéressée ».
Mais pourquoi en vient-on concrètement à se comporter ainsi, à être aussi méfiant, anxieux à l’égard
de l’autre ? Pourquoi n’arrive-ton pas simplement à aimer, à le dire, à le crier ?
Les analyses d’Alexander Lowen nous éclairent en bien des points :
« Lorsqu’on reçoit des coups ou des insultes, la réaction naturelle est la colère. Et ce n’est que lorsque
la colère est bloquée ou inhibée par la peur qu’on adopte une position de défense.
On se sent alors coupable, et la position défensive est dirigée contre ses propres sentiments hostiles et
négatifs, tout comme elle l’est contre tout nouveau coup ou nouvelle insulte. Il ne suffit donc pas de
réaliser et d’accepter qu’on n’est plus vulnérable au même type de coup ou d’insulte que quand on
était enfant ». Alexander Lowen, dans son livre, « La Bioénergie ».
La colère retient donc la culpabilité envers soi de n’avoir pu être un « bon enfant », elle sert de
mécanisme de défenses pour ne pas percevoir la tristesse.
Elle est plus efficace que les pleurs nous dit Lowen, car elle permet d’écarter la cause de la douleur,
elle permet de surmonter notre sentiment d’impuissance.
De ce fait on en vient naturellement à se déchirer en couple, lorsque on accuse la personne en face
d’être à l’origine de sa souffrance. Colère et culpabilité se transforment en désamour de soi et donc
en haine de l’autre.
La honte de notre propre image engendre de la colère, on ne peut s’aimer et être en mesure d’aimer
l’autre (cf Ronald Laing). Malheureusement, la honte et la culpabilité répriment des sentiments
spontanés pouvant nous permettre de se libérer.
Pourtant, il faut pouvoir être triste pour espérer être joyeux à nouveau :
« La dépression laisse l’individu inerte et sans vie ; la tristesse le rend chaud et vivant. La tristesse
ouvre la porte à toutes les émotions et rend l’individu à la condition humaine, dans laquelle le plaisir
et la douleur sont les principes directeurs de la conduite. »
Voilà pourquoi appréhender l’acte d’amour, l’amour inconditionnel, demande un gros travail de
complexité de soi (SYBERNETICS donne les clefs de cet apprentissage)
Voilà pourquoi, issu de violences éducatives diverses, on ne peut s’abandonner facilement à ses
émotions, à soi, et donc à l’autre.
La crainte de l’effondrement dans les bras de l’autre remonte à la peur du rejet et la déception ressentie lorsque l’on a cherché à le faire dans ceux de nos parents. Et nous conservons cet acte comme une trahison de leur part. Dans ces conditions, accepter de se « livrer » une fois adulte devient
un exercice bien difficile tant cela nous renvoie à un immense sentiment « d’insécurité ».
Olivier Lafay a déjà expliqué que pour pouvoir s’ouvrir au monde, il faut parvenir à faire tomber son «
masque », celui sous lequel se cache notre fragilité, notre colère, parfois la haine qui nous ronge en
désespoir et que l’on cherchera toujours à combler.
Et dans une société où l’image de soi sert de rempart à l’angoisse vécue, nous ferons tout pour tenir
bon et rester à distance de nous-mêmes, nous éloignant de ce qui fonde pourtant notre humanité et
encourage justement notre capacité à donner.
« La TERREUR face à la possibilité d’un changement véritable peut être bien plus forte que la
SOUFFRANCE ressentie en restant dans sa marge de fonctionnement habituelle (sa zone d’inconfort)»
La résistance au changement, Olivier LAFAY.
« Il a peur que sa colère n’échappe à son contrôle et ne se tourne en fureur ou en rage meurtrière. Il a
peur que sa peur ne se change en panique ou en terreur paralysante » – Alexander Lowen
Naturellement, l’amour que l’on peut (se) donner est parfois si « chétif », « dénutri », « asséché » par
notre ego qu’il est dépourvu de tendresse envers soi et l’autre. Un amour pauvre en intensité,
reflétant le manque de sincérité et de chaleur de la part de nos parents. A force, nos émotions sont
perverties, n’occupant plus la fonction correctrice qu’elles sont supposées remplir dans
l’humanisation de nos êtres.
On le voit souvent lors d’émissions TV avec un public qui s’émeut ou bien qui rit à la demande. Il n’y a
plus d’impulsions sincères, on pleure sans savoir ce que l’on pleure vraiment et l’on rit pourtant, le
corps noué. Ce sont des larmes ou des rires d’appartenance, non pas qui libèrent mais qui nous
maintiennent emprisonnés dans le jeu de nos rôles sociaux.
Ce sont des émotions de surface qui contiennent encore toute la vérité de nos peurs, de nos
profondes souffrances ou de joies oubliées.
Il y a aussi la peur de la différence, car si tout le monde rit, et si je ne ris pas, que va-t-on penser de
moi ?
Il a été répété plusieurs fois ici que la force du vrai courage n’est pas celui de faire appel à une
volonté guerrière, mais plutôt celui d’affronter nos peurs et de pleurer notre tristesse, de reconnaître
notre souffrance légitime.
Car il n’y a pas de véritable jouissance dans le monde sans sincérité envers soi et autrui. Il n’y a pas
d’amour authentique et puissant sans compréhension de soi.
Cet article a été rédigé par Edouard Dusuzeau, stagiaire de l’EFPP – E-faculté de Psychologie et Psychanalyse. Pour en savoir plus sur les formations Psychopraticien etPsychanalyste, dispensées à distance et à Aix-en-Provence par l’EFPP, rendez-vous sur notre site ou contactez-nous au 01 86 90 85 35.