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Le pardon : du discours à l’acte intérieur

On entend souvent « pardonne-lui/la », « il suffit de pardonner », « je te pardonne », mais si la question du pardon était si simple pourquoi tant d’individus entretiennent de vives émotions envers une personne/ une situation ? Alors qu’il suffirait de pardonner, de dire « je pardonne ». Et si le pardon, n’était pas qu’une question de discours ?

Etymologiquement, PARDONNER vient du latin perdonare, composé de per qui marque l’accomplissement, la perfection et donare qui signifie donner, faire remise de…[1]. Ce qui reviendrait à dire que pardonner est un acte de don, un don de soi.

En langue des oiseaux, on entend « par/donner » il s’agit de la part qui est donnée ? La part que nous donnons en pardonnant ou finalement la part que je me donne à moi-même ?

Or, si pardonner était réduit à un simple énoncé, pourquoi pouvons-nous dire « pardon » à quelqu’un sans vraiment le ressentir à l’intérieur de soi ?

Continuer d’entretenir une animosité envers telle personne ou telle situation alors qu’on a dit pardon, et par conséquent continuer à donner une emprise sur soi à l’autre ou plutôt une emprise de ses propres blessures sur soi-même ?

Avant d’essayer de comprendre comment naît le pardon, il conviendrait de s’intéresser aux sentiments qui mènent à cette quête du pardon.

Nombreux sont les penseurs, philosophes, psychiatres…qui ont écrit sur le pardon, cette réflexion ne veut pas révolutionnaire sur la question du pardon, elle vise plutôt à faire réfléchir chacun sur la nécessité d’une cohérence entre le dire « je pardonne » et le ressentir « je suis en paix» pour qu’il y ait pardon.

On m’a demandé récemment « comment fait-on pour pardonner ? », j’ai d’abord laissé un silence, puis naturellement j’ai apparenté le pardon à un deuil avec ses différentes étapes, parce qu’au delà du dire, il me semble que le pardon naît d’un sentiment. Puis j’ai continué de réfléchir à cette question, c’est vrai, comment pardonne-t-on parfois même l’impardonnable ?

Il me semble important de rappeler que pardonner est l’accomplissement (par en latin) d’un cheminement.

Le besoin de « pardonner » peut émerger de différentes situations, une trahison, un mensonge, un conflit, la violence verbale, physique, psychologique, des attentes qui ne sont pas comblées, un héritage transgénérationnel, des évènements hors de contrôle (attentats par exemple), une culpabilité envers soi…on voit bien que, de ces différentes situations émerge un sentiment de colère, de tristesse, d’impuissance, de peur et peut-être que le premier pas vers le pardon consiste à mettre des mots sur ces maux. Bien qu’il n’ait pas écrit directement sur le pardon, Freud parlait de méthode cathartique qui est « une méthode de psychothérapie où l’effet thérapeutique cherché est une « purgation », une décharge des affects pathogènes. La cure permet au sujet d’évoquer et même de revivre les évènements traumatiques auxquels ces affects sont liés et d’abréagir ceux-ci. »[2], on peut donc envisager que le premier acte à poser pour parvenir à un pardon c’est la reconnaissance par la parole de nos émotions face à une situation, un acte, une attitude…Par ce même processus, on lève des mécanismes de défense tels que la projection, le déni, le clivage… dont le but est de protéger le Moi, puisque nous accédons à une reconnaissance de la souffrance qu’a pu engendrer telle ou telle situation, et par cette même reconnaissance nous nous confrontons à la réalité de nos affects. Cette réalité de nos affects tient aussi de notre perception des évènements, d’actes d’autrui…, elle-même conditionnée par notre petite enfance et ce qui a été refoulé. A partir de là, on constate bien que le pardon part de soi, d’une reconnaissance d’une blessure qui a été réactivé, il ne s’agit pas d’un simple acte verbal ou geste extérieur mais relève plutôt d’un processus intérieur complexe. Il s’agit d’une intégration dans le conscient d’affects, pensées, pulsions refoulées desquels peuvent naître également un sentiment de culpabilité. Il ressort clairement que la volonté consciente seule du pardon ne suffit pas, il résulte également d’un processus inconscient. C’est à partir de cette reconnaissance des maux par les mots que commence alors un travail de réparation interne.

Le processus du pardon s’apparente ici à une réparation. Cette idée de réparation n’est pas sans nous rappeler les relations d’objet notamment de Mélanie Klein, parce que d’une manière ou d’une autre, le pardon se conçoit entre soi et l’autre ou entre soi et soi.  Peut-être que la quête du pardon, est aussi une exploration de notre intégration de l’autre dans notre construction, l’acceptation qu’il ne comble pas toujours nos besoins, nos désirs ? Une reconnaissance des limites de l’autre, de nos propres limites, et par extension la reconnaissance des failles humaines. Le pardon ne minimise pas la souffrance de celui qui est blessé, ne légitime pas le comportement, les actes de l’autre, il libère d’une perception idéale que nous avions de l’autre, de soi-même pour nous ramener à notre condition humaine d’êtres vulnérables. 

Mélanie Klein souligne « le rôle joué par la réparation dans le travail du deuil et la sublimation »[1] ce qui met en lumière l’idée d’un cheminement qui s’apparente au deuil, deuil d’une part de soi que l’on répare afin de laisser émerger une nouvelle facette de soi-même. Ainsi, du simple discours du pardon on passe à un acte intérieur de transformation.

Cet article a été rédigé par Caroline Ballester pour l’EFPP – E-faculté de psychologie et de psychanalyse. Pour approfondir ces sujets, vous pouvez consulter toutes nos formations en santé mentale et développement personnel et notamment praticien en psychologie et praticien en psychanalyse sur notre site. Vous pouvez aussi joindre notre standard qui répondra à toutes vos questions.


[1]https://www.dictionnaire-academie.fr/article/A9P0589

[2]Vocabulaire de la psychanalyse, J. Laplanche et J.B Pontalis, PUF, 1967

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